Parlons de sexe !

« Let’s talk about sex ». C’est le titre d’une chanson osée du groupe Salt-N-Pepa sortie en 1990.

Le groupe souhaitait évoquer de manière décomplexée ce que le sexe pouvait revêtir de difficile à appréhender et n’hésitait pas à évoquer des sujets délicats tels que la marchandisation du corps. La chanson abordait également ce qui est beau dans la sexualité, lorsque l’amour est présent.

Lorsque le titre sortit, les membres du groupe craignirent la censure et eurent peur de sa réception… Ce fut au contraire un succès critique et commercial.

J’aimerais nous proposer un défi commun dans cet article : oser, comme Salt-N-Pepa, parler de sexe ! Plus précisément, pour se donner le cadre de notre démarche, regardons ensemble comment la Bible l’aborde. Car, même si cela peut nous surprendre, elle n’est pas en reste sur le sujet.

Attention : L’article ne prétend aucunement à être exhaustif, mais davantage à poser simplement quelques bases pour alimenter notre réflexion !

Un début prometteur

« Il créa l’homme et la femme. »
Genèse 1.27

Le livre de la Genèse, qui retrace les débuts de l’humanité, définit que Dieu nous a créés sexués, homme et femme. Le corps de l’homme et de la femme, mais aussi leur manière d’être au monde, sont différents[1]Même s’il faut être attentif à ne pas en déduire un cadre trop rigide des rôles qui en découle..

On peut aller même un peu plus loin, en parlant du fait qu’homme et femme sont des êtres sexuels, c’est-à-dire que les relations humaines intègrent un rapport à l’autre qui prend en compte sa sexualité.

Comme le dit le théologien Henri Blocher :

D’une part, la sexualité imprègne toute la personne ; féminité et virilité ne peuvent se cantonner dans un lieu restreint de la vie. D’autre part, la dynamique de l’attraction lie les uns aux autres les moments érotiques, dès le minimum.

Il semble sage de distinguer d’abord entre les expressions qui comportent et celles qui ne comportent pas d’invitation au rapprochement amoureux, celles qui créent et celles qui ne créent pas de lien amorçant une chaîne naturellement érotisée[2]Pour prolonger la réflexion, je vous invite à lire la suite de l’article se trouvant dans Vivre en chrétien aujourd’hui – repères éthiques pour tous, p. 409..

Ces deux éléments (être sexué et être sexuel) sont constitutifs de notre humanité. Nous le vivons tous. Il est important de s’en souvenir.

« C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils ne feront qu’un. »
Genèse 2.24

La Bible évoque néanmoins la possibilité[3]Et non l’obligation. qu’un homme et une femme décident de faire alliance, par l’institution du mariage. Établie dès le commencement, cette alliance publique est caractérisée par trois étapes :

  • l’homme quittera son père et sa mère (création d’une nouvelle cellule familiale)
  • s’attachera à sa femme (exclusivité de la relation)
  • ils ne feront qu’un (union sexuelle)

On peut noter que l’union sexuelle est l’aboutissement du processus et marque la grande intimité qui lie l’époux et l’épouse. C’est ce cadre d’égalité, notamment dans les droits et les devoirs, qui permet au couple de développer une relation harmonieuse et de plaisir.

La sexualité vécue dans le mariage est donc le fruit d’un désir commun, et non seule d’une pulsion sexuelle. C’est un choix pris de se donner à l’autre, en totale confiance, pour vivre ensemble le plaisir le plus intime.

Des relations brisées

« Tes attentes seront tournées vers ton mari,
mais lui, il te dominera. »
Genèse 3.16

Malheureusement, l’arrivée du péché va venir ternir ce don initial fait à l’humanité. Le sexe peut devenir un lien d’assujettissement de la femme ou de l’homme. Il peut être le lieu des plus grandes perversions, violence, domination et souffrances.

Parce que le mal vient s’immiscer dans les lieux les plus intimes de notre être, sa présence dans la sexualité le rend encore plus révoltant.

On constate ainsi que la Bible dénonce ce que l’être humain a tordu dans le domaine des relations sexuelles[4]En donnant des exemples concrets : Genèse 19.30-38, Genèse 34, 1 Rois 11.3, Osée 4.2, 1 Corinthiens 6.16, Apocalypse 2.14 et 20, etc. : l’inceste, l’adultère, la polygamie, le viol, la prostitution, la débauche, etc. Autant de péchés que la Parole de Dieu présente sans fard et condamne[5]Éthiquement, juridiquement et spirituellement., même si on peut être surpris parfois de la manière de le faire  [6]Je pense particulièrement à la polygamie qui est « tolérée » un temps, tout en démontrant de manière subtile que cette pratique amène toutes sortes de maux..

On peut rappeler que tout abus sexuel est condamnable.

Notre fédération d’Églises a mis en place une charte sur les violences conjugales à laquelle notre Église a adhéré : Charte violences conjugales – FEEBF – Site Journalistique

Le CNEF (Conseil National des évangéliques de France) a mis en place des outils à disposition des victimes d’abus : Lutte contre les abus sexuels | CNEF (lecnef.org)

Il n’est pas anodin que Dieu utilise l’image de l’adultère ou de la prostitution pour parler de son peuple qui pratique l’idolâtrie et pour exprimer sa colère envers lui.

Jésus précisera que c’est à cause de la dureté du cœur humain que Moïse a permis le divorce[7]Matthieu 19.8, où le lien du mariage et donc l’union sexuelle sont rompus.

Un équilibre délicat

Après avoir posé ces éléments préalables, concentrons nos regards sur la façon dont la Bible traite de la sexualité homme-femme, entre la présence du mal et l’expression de sa grâce.

Tout d’abord, le mariage est donc la porte d’entrée nécessaire pour que l’union sexuelle pleine et entière soit vécue dans les meilleures conditions. Ce cadre n’évacue pas, à cause du péché, toutes les difficultés que l’on pourrait vivre à deux, particulièrement dans ce domaine de la sexualité.

Un livre qui présente fort bien la beauté et les aléas d’un couple, des fiançailles au mariage en passant par la vie de tous les jours, est le Cantique des cantiques. L’ouvrage a tellement dérangé que l’on a parfois tenté de minimiser son propos et son contenu. Autant ne pas tourner autour du pot, oui certains passages sont d’un érotisme assumé !

On suit ainsi les péripéties de deux amoureux qui se découvrent. Cette découverte se vit par le temps qu’ils passent ensemble, les sentiments qui se développent et s’expriment et par l’amour qui s’affermit. Le récit fait également la part belle à l’attente puis au plaisir pris par les époux sur le plan sexuel, avec des allusions marquées[8]Voir le chapitre 4 et le chapitre 5.10-16 pour exemples.. Il communique que l’harmonie sexuelle n’est pas toujours évidente, avec des désirs qui se croisent, mais qui, parfois, ne se trouvent pas[9]Dans le chapitre 2.15, les problèmes sont appelés poétiquement « les petits renards ». Voir également le chapitre 3.1 et ensuite le chapitre 5.3 où les amants se cherchent, mais ne se trouvent … Continue reading. Il rappelle la nécessité du dialogue et du pardon.

Une force du Cantique des cantiques est son style littéraire poétique qui est davantage suggestif plutôt que descriptif. Il permet à chaque couple de l’assimiler à sa propre situation, en prenant à leur compte les différents « chants » proposés et en les adaptant librement à leur contexte. Cette démarche de l’auteur exprime, avec le reste des Écritures, la grande liberté que Dieu accorde à chaque couple de vivre leur sexualité comme il le souhaite. Les Écritures insistent seulement sur les principes d’amour, de fidélité, de respect et de consentement qui sont préalables et inclus dans le mariage.

La fidélité, plus particulièrement, traverse les autres livres de Sagesse, que ce soit l’Ecclésiaste ou les Proverbes. L’un la présente comme un don du Seigneur, l’autre comme une mise en garde face à l’adultère et ses conséquences :

« Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de cette vie dérisoire que Dieu t’accorde sous le soleil, oui, pendant tous les jours de ton existence dérisoire, car c’est la part qui te revient dans la vie au milieu de tout le labeur pour lequel tu te donnes de la peine sous le soleil. »
Ecclésiaste 9.9

« Bois l’eau de ta citerne,
L’eau qui sort de ton puits !
Tes sources doivent-elles se déverser à l’extérieur ?
Tes ruisseaux doivent-ils couler sur les places publiques ?
Qu’ils soient pour toi seul,
Et non pour des étrangers avec toi. »
Livre des Proverbes 5.15-17

Dans tous les cas, l’ensemble des passages vantent la beauté de l’union sexuelle vécue selon les principes du Créateur.

Lutter contre une vision erronée de la sexualité

Pour terminer mon propos, j’aimerais dire quelques mots sur le rapport à la sexualité dans l’Église. Souvent, il est assez peu glorieux. Le sexe reste un tabou pour beaucoup, et les discussions arrivent rapidement à des sourires gênés. Rappelons-nous qu’il relève de notre intimité la plus secrète, si vous me permettez le pléonasme et que, bien évidemment, on ne peut pas en parler de la même façon que de la pluie et du beau temps.

Pourtant, ne pas en parler, c’est rester dans un flou que le monde qui nous entoure se fera une joie de dissiper, avec sa propre argumentation et ses propres convictions, loin du propos biblique. C’est offrir un terrain à toutes sortes d’abus par ignorance et c’est le danger de se construire une vision erronée de la façon dont Dieu voit la sexualité.

Un passage qui peut servir d’exemple est celui que l’apôtre Paul adresse aux couples de l’Église de Corinthe, au chapitre 7[10]On peut souligner que ce texte n’est pas facile d’accès et requerrait un travail plus poussé pour en saisir toute la complexité. Néanmoins, l’analyse présentée est assez simple à … Continue reading. Il évoque que plusieurs ont décidé de s’abstenir de relations sexuelles afin de se consacrer davantage à Dieu, par la prière notamment. Ils pensaient surement bien faire et peut-être accéder à une « pureté » plus haute. Pourtant, Paul les reprend énergiquement sur ce qui fonde leur démarche.

Si cette abstinence, qui semble avoir conduit même quelques-uns à se séparer, est l’expression d’un idéal chrétien, alors cet idéal est faux et peut conduire à l’immoralité[11]Comme le dit l’adage populaire, qui veut faire l’ange fait la bête. !

L’apôtre rappelle l’engagement des époux lors du mariage, qui est un don de Dieu (« chacun reçoit un don particulier de la grâce, l’un le mariage, l’autre le célibat »[12]1 Corinthiens 7.7). Il n’y a ainsi rien de sale ou d’impur dans l’union sexuelle.

Il présente le célibat et le mariage comme deux situations qui chacune glorifie Dieu et qui appelle chacune des avantages et des inconvénients[13]1 Corinthiens 7.25-40. Il exhorte à ce que chacun prenne la responsabilité qui lui incombe dans la situation qui est la sienne.

Conclusion

Nous l’avons vu, que ça soit dans les premiers instants de l’humanité ou dans la suite du récit biblique, la sexualité trouve une place importante. Loin d’en faire un tabou, elle met l’emphase sur ce qui en fait sa grandeur et sa beauté. Elle n’occulte pas non plus les difficultés, les dérives et les drames produits par la chute et l’entrée du péché dans le monde. Nous avons besoin de la grâce de Dieu pour transformer et renouveler notre être dans tous les aspects de notre vie, celui-ci compris.

Il existe des hommes et des femmes qui se sont formés afin d’aider chacun et chacune dans les difficultés ayant trait à la sexualité, que ce soit des sexologues ou des conseillers conjugaux. S’il est normal de vivre diverses « saisons » dans la sexualité, il ne faut pas hésiter à être accompagné face à des souffrances qui pourraient apparaître et devenir pérennes.

Osons, à la suite de nos lectures, nous-mêmes y discerner ce que cela implique dans nos vies et trouver un épanouissement qui glorifie notre Seigneur.

Pour aller plus loin :

  • Pour une définition de l’OMS[14]Organisation mondiale de la santé. de la santé sexuelle : Santé sexuelle (who.int)
  • Pour une foi réfléchie – théologie pour tous, sous la direction d’Alain Nisus. L’être humain, le corps et la sexualité, les relations hommes-femmes, p. 247-264
  • Vivre en chrétien aujourd’hui – repères éthiques pour tous, sous la direction d’Alain Nisus, Luc Olekhnovitch et Louis Schweitzer. Famille et sexualité, p. 369-427

Kévin LE LEVIER

 Crédit photo : Nadine Rupprecht sur Unsplash, Freepik, teksomolika sur Freepik

Notes

Notes
1 Même s’il faut être attentif à ne pas en déduire un cadre trop rigide des rôles qui en découle.
2 Pour prolonger la réflexion, je vous invite à lire la suite de l’article se trouvant dans Vivre en chrétien aujourd’hui – repères éthiques pour tous, p. 409.
3 Et non l’obligation.
4 En donnant des exemples concrets : Genèse 19.30-38, Genèse 34, 1 Rois 11.3, Osée 4.2, 1 Corinthiens 6.16, Apocalypse 2.14 et 20, etc.
5 Éthiquement, juridiquement et spirituellement.
6 Je pense particulièrement à la polygamie qui est « tolérée » un temps, tout en démontrant de manière subtile que cette pratique amène toutes sortes de maux.
7 Matthieu 19.8
8 Voir le chapitre 4 et le chapitre 5.10-16 pour exemples.
9 Dans le chapitre 2.15, les problèmes sont appelés poétiquement « les petits renards ». Voir également le chapitre 3.1 et ensuite le chapitre 5.3 où les amants se cherchent, mais ne se trouvent pas.
10 On peut souligner que ce texte n’est pas facile d’accès et requerrait un travail plus poussé pour en saisir toute la complexité. Néanmoins, l’analyse présentée est assez simple à comprendre à la lecture du passage et ne pose pas en soi de difficultés.
11 Comme le dit l’adage populaire, qui veut faire l’ange fait la bête.
12 1 Corinthiens 7.7
13 1 Corinthiens 7.25-40
14 Organisation mondiale de la santé.